Bonjour et bienvenue sur le blog de Niochi. Vous l’aviez sûrement compris, vous faire sentir chez vous partout en Afriquepasse aussi par apprendre de nos réalités. Et l’inscription « Cette parcelle n’est pas à vendre » est une mise en garde à l’endroit des potentiels acheteurs.
Sur chaque coin de rue, dans chaque quartier et maison, sommeille une histoire fascinante, inquiétante et ahurissante qui n’attend qu’à être contée ou racontée. Mais pas comme à l’accoutumée. Laissez-moi vous prévenir tout de même, l’histoire ici, est belle avant d’être cruelle.
Quand on ne veut pas perdre le temps au lecteur, on va droit au but. Alors, on vous laisse le soin de marquer. C’est le but!!!!! WOOOoooooohhhhh !!!!!!!!!!!!!! (Rires).
À la fin de la lecture de ce billet, je ne serai pas étonné de vous savoir choquer. Je comprendrai votre choc, car ces histoires ne sont pas communes. Bienvenue #ChezMoiAuCongo ! Et après avoir lu ne vous retenez pas, donnez vos impressions en commentaires.
Cette parcelle n’est pas à vendre = Guerres de succession
Si vous êtes de passage au Congo et que vous voyez marqué en gros caractère sur un mur « Cette parcelle n’est pas à vendre » dites-vous simplement que le véritable propriétaire de la parcelle n’est plus en vie. C’est le début, le milieu ou la fin d’une guerre de succession familiale.

Eh oui ! Quand la famille n’a pas trouvé de consensus sur l’héritier principal, très souvent, une partie cherche à vendre la parcelle, pendant que l’autre partie, joue les résistants. C’est en ce moment que vous compreniez mieux le texte de « Toto tire Nama » dans Mamadou et Binetade André Davesne.
Eza likambo ya mabélé, bato ba kufaka na yango. Tiré du lingala qui veut dire en français « C’est une histoire de terre, les gens meurent pour ça ».
Ne soyez pas surpris de voir une maman être mis à la porte avec ses enfants par la famille de son mari suite au décès de son époux. Comme il n’est pas rare de voir des frères et sœurs se bagarrer pour une parcelle parce qu’ils ne sont pas de même Mère. De même, de nombreuses familles se divisent parce qu’elles ne s’entendent pas sur l’occupation d’un domicile laissé par un parent.
Si la mort du véritable propriétaire demeure le point commun sur des litiges des parcelles affichant la phrase « cette parcelle n’est pas à vendre », la nature des conflits quant à elle, est plurielle. J’ai bien entendu voulu vous partager quelques cas de figures.
Vous me pardonnerez de ne pas m’attarder sur des détails. Vous en conviendrez avec moi, je l’espère, sur la nécessité de respecter au maximum l’anonymat des différentes familles.
Cas de figure 1 : parcelle n’est pas à vendre, mais vendue
Brazzaville, une église achète la parcelle pour son lieu de culte à une famille. Plus de 4 ans après, l’église reçoit une note de la justice, intimant l’ordre de libérer la parcelle dans les 48 heures. Imbroglio total au sein de l’église pour un achat pourtant effectué en toute légalité. Que se passe-t-il ?
La famille du propriétaire de la parcelle avait effectué l’opération de vente sans associer les enfants du défunt. La police judiciaire passe à l’œuvre et ferme les portes de l’église dans le délai prévu. L’église se heurte à un dilemme terrible. Soit demander un remboursement à la famille (dont les modalités de paiement ne se feront à la hauteur des attentes) soit acquérir la parcelle pour une seconde fois. Pendant ce temps, on pouvait déjà lire sur le mur le lendemain, « cette parcelle n’est pas à vendre ».
Mais pourquoi des familles se divisent pour une parcelle alors que le droit de famille est censé cadrer la succession ?
Cette question taraude les esprits, il est simplement inadmissible que la famille s’accapare des parcelles aux dépens de la femme légitime et des enfants du défunt disent certaines langues.
J’ai le malheur de vous dire aujourd’hui que l’étude des divers manquements dans le droit de la famille dans nombre des pays africains n’est pas une tâche aussi aisée que les apparences le laissent paraître à en croire Nicole Claire NDOKO, Vice-Doyen de la faculté de droit de Yaoundé.
Pour mieux comprendre cette problématique, on devrait avant tout répondre à la question.
Qu’est-ce que la famille en Afrique ?

Les législateurs africains ont généralement opté pour la conception occidentale de la famille. Ainsi lorsqu’il est question d’imposer des droits et obligations dont les manquements sont susceptibles d’emporter une sanction, on ne tient compte de la famille au sens très étroit c’est-à-dire les époux et leurs enfants. Ce qui constitue un véritable « forçage » de la réalité.
En Afrique, la famille désigne un lignage, un groupe social ou un clan. Il peut aussi désigner nucléaire c’est-à-dire « le groupe constitué par le ménage et les enfants vivant au même foyer sur le même budget ». La conception africaine du foyer ne concorde pas avec celle de la culture occidentale.
Je vous laisse imaginer le nombre d’enfants qui ne grandissent pas dans le ménage de leurs parents d’origine. D’où cette question préalable à tout débat : De quel droit de famille s’agit-il ? Du droit applicable ou du droit appliqué ? Du droit reçu ou du droit autochtone ? De la coutume ou du droit écrit ?
Cette question des sources du droit en Afrique est loin d’avoir une réponse définitive, pourtant elle est fondamentale. On laisse l’occasion à Benja Merline de se servir enfin de ses notions de droits pour la première fois dans la vraie vie. (Rires)
Retenons tout de même, qu’en Afrique, les rapports de parenté ne sont pas seulement de nature mais de culture.
Cas de figure 2 : 1 défunt pour 3 femmes et 8 enfants au total
2019, un ami perd le petit frère de son Père. Ce dernier eut 8 enfants de son vivant avec trois épouses. Un enfant avec la première, deux avec la deuxième et 5 avec la troisième. Il laisse 5 parcelles à son actif et malheureusement sa mort soudaine ne l’a pas permis de prévoir un testament pour le partage des biens.
En séparation avec ses deux premières épouses, le Monsieur décède pendant qu’il vivait avec la troisième épouse. Le point commun des trois femmes, c’est que personne n’a eu à contracter un mariage officiel avec le défunt.
Parmi les 5 parcelles, chaque femme a pu bénéficier d’une parcelle. Il était donc question de se partager les deux parcelles restantes. Bizarrement, la troisième femme affirme d’être propriétaire de ces deux parcelles par arrangement avec son mari de son vivant. Double bizarrement, cette affirmation ne se repose sur aucune preuve tangible.
Pour limiter les dégâts, la famille du mari a bien voulu céder à cette femme une parcelle en plus de celle qu’elle occupait déjà. Après tout, en plus d’être la dernière épouse du défunt, elle avait plus d’enfants que les autres.
Mais la femme voulait à tout prix arracher la troisième parcelle pour satisfaire son appétit. La famille du mari n’était malheureusement pas prête à accepter cette exigence de trop. La femme a dû porter plainte contre la famille du mari. Aura-t-elle raison selon la décision de justice ? Seul l’avenir nous le dira. Pour l’instant, on vous laisse porter la veste du juge en donnant votre avis en commentaire.
Pendant ce temps, si vous êtes de passage devant la parcelle en litige vous pouvez lire en gros caractère « Cette parcelle n’est à vendre ».
Le réflexe de la rédaction d’un testament serait-il une solution pour éluder les conflits de succession ?

2005, je me retrouve en vacances dans mon village natal. Mauvaise nouvelle, un vieux du quartier venait de rendre l’âme. Laissant derrière lui, une femme, cinq enfants et 3 parcelles bien construites. Après l’enterrement, le conseil de famille se réunit pour le partage des biens du défunt.
Comme un bon averti, ce dernier avait pris le soin de laisser un testament accompagné d’une cassette audio où il indiquait de façon claire que ses biens appartenaient à ses enfants. Finalement, c’est le contraire qui s’est produit. La famille se retrouvait avec tout et les enfants restaient bredouilles.
Et oui ! Écrivez et racontez ce que vous voulez de votre vivant, le dernier mot revient à la famille.
Vous l’aviez compris, si pour certains cas, les litiges d’héritage des parcelles sont dus à l’absence d’un testament désignant l’héritier ou les héritiers, pour d’autres, l’existence de ce document juridique de succession n’a simplement pas d’effet sur la famille sauf si cette dernière accepte volontiers de respecter la volonté du défunt.
Si le testament existe, pourquoi pas porter plainte ?
Accepter la décision du conseil de famille sans résistance est une question de survie. Sinon, les téméraires ont aussi un traitement particulier.
Tenez ! Dans l’un des quartiers populaires de Brazzaville, Une femme a pu s’imposer en restant vivre avec ses enfants dans la parcelle de son défunt mari après son décès, malgré, la volonté de la famille du défunt de la faire partir de là. Elle était dans ses droits après tout, puisque mariée en régime de bien commun.
Cette résistance a été rattrapée par la réalité africaine. Elle a commencé à compter la disparition d’un enfant chaque année. Sur 6 enfants, elle s’est retrouvée avec 2 en 4 ans de vie dans la parcelle. A-t-elle eu tort de résister ? À sa place, devriez continuer de résister ou abandonner la parcelle ?
Ceci nous amène à se questionner si la sorcellerie serait-elle plus forte que le droit en Afrique sur des questions de succession ?
Si vous êtes victimes ou observateurs de cette réalité, n’hésitez pas de nous partager votre témoignage.
4 août 2020 at 12:54
Super ton article… 👍🏾👍🏾👍🏾👍🏾
La succession reste parfois l’un des éléments sources déjà de divergence lors des veillées, le défunt n’étant pas encore enterré, que pour évincer une ou les épouses légalement ou pas mariées, on les traite de tous les noms notamment de sorcellerie (verso de la situation ci-dessus).
Il serait quand même intéressant de parler de cet aspect exotérique de notre appartenance africaine.
La sorcellerie, les pratiques occultes etc sont un fait. Y croire restera une chose, mais ne pas y croire risque de vous coûter plus cher tout aussi😓…
Bref, j’ai lu avec délectation ces écrits… À nous revoir lors des débats….😅
4 août 2020 at 4:13
Au plaisir de t’avoir pour lecteur cher Guy-Landry, surtout en ta qualité de juriste.
4 août 2020 at 10:24
Quand il s’agit de l’héritage en Afrique très souvent c’est la famille qui l’emporte ce qui est bizarre.
Si la sorcellerie est plus puissante que la justice en Afrique on devrait alors valoriser la justice associée à la sorcellerie tel est le cas de Tenrikio pour gérer les affaires de succession.
7 août 2020 at 10:23
Très intéressant et instructif.
Étant en Afrique et conscient de nos réalités spirituelles qui sont d’ailleurs prises en compte par nos États je suis de ceux qui pensent que les familles africaines doivent être éduqués sur l’importance de faire faire-valoir ses droits et de la rédaction d’un testament y rajouter la foi en Jésus Christ
Nous devons réadapter nos textes juridiques à nos réalités africaines et arrêter de faire le copier- coller du droit occidental afin de valablement protéger les successeurs.